ORAZI (1906-1979), peintre de l'École Française (nouvelle "École de Paris"), s'impose par son rare talent créatif, sa vaste et solide culture, par son authentique formation humaniste enracinée dans le climat raffiné de la culture européenne du début du XXe siècle, ainsi que par ses connaissances techniques dans les domaines de l’Histoire de l’Art et de la Peinture. Le nom sous lequel il se proposera dans sa carrière sera, simplement, ORAZI. Un nom qui dérive tout droit de l’antiquité romaine; un nom représenté -depuis le XVIIe siècle- dans le domaine artistique par une série de personnalités originaires du centre de l’Italie et actives en France. La passion pour le paysage, manifestation physique de la puissance d’une nature toujours différente sur la Terre, n’abandonne jamais ORAZI. Pendant ces mêmes années, d’autres recherches vont le pousser vers des régions lointaines, là où le paysage est encore intact, là où l’homme suit encore une tradition ancestrale et des rythmes anciens: la Sardaigne et le Mexique. Ces séjours, où il exerce son autre habilité, la photographie, s’échelonnent de 1953 à 1957 et aboutissent à deux séries de tableaux chargés d'atmosphères extraordinaires. Une série des peintures du Cycle de la Sardaigne(exposées pour la première fois en 1954, à Paris, à la "Galerie Marcel Bernheim") a été récemment acquise par la commune de Gavoi, en Barbagia. Les peintures du Cycle du Mexiquefurent exposé à Paris, en 1957, à la "Galerie Vendôme".
L’attention pour le paysage ramène ORAZI à nouveau à Paris. Un Paris qui change et qui, au nom d’une modernité parfois violente, voit disparaître certains de ses traits historiques. Naissent ainsi les peintures du Cycle Parisien, saisissantes et mélancoliques dans leur essentialité : des vues de Montparnasse, où l’on abat de grandes portions de maisons et de petites rues habitées par les artistes, mais surtout des bords de Seine dans ces nouveaux quartiers hérissés de chantiers, touffus de grues dont les lignes verticales contrastent avec celles des péniches amarrées, symboles du passé. Plusieurs de ces peintures, exposées à la "Galleria L’Annunciata" de Milan en 1959, annoncent déjà la rupture d’ORAZI avec l'expérience figurative classique.
Dès la fin des années Cinquante, la peinture d’ORAZI s'oriente en effet, résolument, vers la dimension de l'Informel, dimension dans laquelle sa sensibilité pour la couleur trouve une expression fascinante. Dans ce contexte pictural se situe l’exposition personnelle à la "Galerie 7", à Paris, en 1961, qui mérita les éloges de la critique. Toutefois, depuis la fin des années 1950, une autre recherche, encore une fois ancrée dans son besoin de travailler sur la plasticité, domine la créativité de cet Artiste, une expérience qui donnera des résultats exceptionnels: la Peinture de Matière, ou Peinture en Relief. Les oeuvres de cette phase ont été exposées à de différents Salon de Mai, à Paris et même à Tokyo, et à bien d’autres manifestations parmi lesquelles il faut rappeler l’exposition personnelle de 1966 à la "Galerie du Passeur", à Paris. La nature -ses éléments, ses formes, ses phénomènes- est toujours à la base de cette recherche. La forme sort de l’encadrement du tableau et la couleur concourt à la définir; la matière, le relief, deviennent le support de la couleur. La critique de l’époque est très positive, comme le démontre un article de Raoul-Jean Moulin: «...le peintre met à l’épreuve la pierre, la plante, l’air, la lumière...Matières originelles, âpres et remuantes, coulées de laves éruptives, météorites pétrifiés...moments de la formation de l’univers. » ; où comme celui de Georges Boudaille: «La matière se soulève tantôt comme la croûte terrestre et tantôt comme des pétales de fleurs, des formes prolifèrent jusqu’à sortir des limites du tableau pour envahir l’espace...ce sont des terres, mais aussi des laves volcaniques, des écorces d’arbre, des rocs, des montagnes.». C'est une période de grande intensité intellectuelle (1958-1968 environ), qui révèle pleinement la surprenante imagination d’ORAZI, ainsi que sa maîtrise des moyens techniques et sa passion pour la couleur.
Bien souvent la Peinture en Relief témoigne, chez ORAZI, d'une forte tendance à la définition circulaire des formes, qui laisse entrevoir ce que sera sa dernière manière, dénommée Ligne Circulaire (1969-1977): elle correspond aux dernières années de sa vie, les années où les forces physiques sont moins vigoureuses et peut-être l’art de Matière demande un effort trop contraignant. A’ présent, il n’est plus question du spectacle puissant et même convulsif des manifestations naturelles, mais de l’autre dimension de notre univers, son harmonie, la naissance et les rythmes de ses planètes, la vastitude de ses firmaments, représentés par des couleurs étoffées et tendres, décidées et souples à la fois. Sur cette période picturale s’est concentrée d’ailleurs l’exposition post mortem de 1980, pour laquelle le critique Hélène Parmelin proposa son Hommage à ORAZI, déjà cité: dans ses lignes, elle laisse paraître la personnalité de cet Artiste solitaire, volontairement en dehors de l’éphémère de la mondanité, «...jamais envieux, jamais aigri, dans son orgueilleuse citadelle naturelle de la peinture.». Ce sont des traits qui peuvent être retrouvés dans le dernier écrit d’ORAZI, un conte métaphorique, au delà du temps et des circonstances, publié en 1974 par l’éditeur parisien Christian Bourgois: sur la couverture était reproduite l’image du personnage de ce livre qui appartient à un groupe spécifique de toiles de la période Ligne Circulaire où émergent de saisissantes "Têtes-Paysage". Le paysage est une dimension qui continue à être essentielle pour cet Artiste, et revient toujours sur ses toiles, de sa jeunesse à sa dernière recherche, jusqu’à sa mort: dans le peu de peintures qui restent de cette ultime période -les Paysages de l’Imaginaire- la terre est perçue dans l'essence de ses formes et de ses couleurs, dans sa générosité, dans sa tendresse. Francesco Negri Arnoldi, Historien de l'Art à Rome
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